La situation à Jérusalem après le 7 octobre 2023
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Depuis son occupation de Jérusalem en 1967, Israël a mis en œuvre une série de politiques visant à modifier le caractère démographique de la ville, en expulsant sa population autochtone et en la remplaçant par des colons. Ces politiques qui, au fil des ans, ont évolué et pris des formes diverses, et en sont venues à englober tous les aspects de la vie à Jérusalem. Après le 7 octobre, ces politiques sont devenues de plus en plus explicites et claires, et ce à un rythme plus rapide. Cet article s'efforce de passer en revue les plus marquantes de ces politiques, en se concentrant sur les derniers développements dans la ville entre octobre 2023 et août 2024 : l'expansion des colonies, le contrôle de l'éducation, l'imposition de taxes et d'amendes arbitraires et la destruction d'habitations.

Extension de la colonisation à Jérusalem

Après le 7 octobre, le régime d'occupation israélien a intensifié ses activités de colonisation dans l'ensemble de Jérusalem occupée. Le journal britannique The Guardian a rapporté le 17 avril 2024 que les projets de colonisation à Jérusalem avaient considérablement augmenté au cours des derniers mois. Les institutions israéliennes avaient cessé ou fortement limité leurs activités à la suite du 7 octobre, mais les plans de colonisation se sont développés ensuite à un rythme sans précédent [Burke, 2024].

Un autre rapport publié dans Haaretz souligne le fait que, deux jours après le 7 octobre, le conseil local des colonies de Jérusalem a approuvé l'expansion de la colonie de Kidmat Zion construite sur des terres palestiniennes dans le quartier de Ras al-‘Amud, ce qui impliquait la construction de 384 unités de colonisation dans la première phase sur une superficie de 79 dunums, avec la possibilité d'une nouvelle expansion pour atteindre 1200 unités. En outre, le conseil provincial a accepté le 3 décembre 2023 de construire un nouveau quartier de colonisation sur les terres de la ville palestinienne de Sur Bahir, appelé « canal inférieur », où 1792 nouvelles unités de colonisation doivent être construites. C’était la première fois qaue l'Autorité foncière israélienne s'employait à présenter et mettre en œuvre ce projet.

Dans le sud de la ville, la continuité géographique avec Bethléem est devenue impossible en raison des plans de colonisation, où les autorités travaillent à l'extension de la colonie de Har Homa, construite sur les terres du mont Abu Ghunaim, et à la construction de 540 nouvelles unités de colonisation. En outre, 1275 nouvelles unités sont en cours de construction dans la colonie de Givat Hamtuz, sur les terres de la ville palestinienne de Bayt Safafa. Le 5 septembre 2022, le conseil a accepté de construire une nouvelle colonie appelée Givat Hatchakid (ou « colline des amandes ») sur les terres de Bayt Safafa et Sharafat, sur une superficie de 37 dunums, expropriée à cet effet en 1995. La colonie à construire comprendra 695 unités. Il convient de noter que cette colonie jouxte la ligne de cessez-le-feu de 1949 qui traverse une partie de la ville de Bayt Safafa occupée en 1967.

Le Centre des droits de l'homme de Jérusalem a, au cours de la période allant du 7 octobre jusqu'au moment de la rédaction du présent article, documenté 19 projets de colonisation à Jérusalem, dont dix ont été approuvés et neuf soumis à l'examen de divers comités. Les nouvelles unités de colonisation sont au nombre de 19 287 et couvrent une superficie de 2607 dunums. Le régime d'occupation s'efforce ainsi d'isoler les quartiers palestiniens de Jérusalem et d'augmenter le nombre de colons dans le cadre de la guerre démographique menée contre la ville. Ainsi, le nombre d'unités de colonisation prévues indique que le nombre de colons dans les années à venir à Jérusalem-Est pourrait augmenter de 96 000[1], pour atteindre un total de 347 000 colons. Il est également clair que le régime d'occupation cherche à séparer les quartiers palestiniens de leur arrière-pays en Cisjordanie, tuant ainsi toute chance pour Jérusalem de devenir la capitale d'un État palestinien. Tout cela, qui se déroule au vu et au su du monde entier, est une violation flagrante du droit international qui considère Jérusalem comme une ville palestinienne occupée.

Contrôle du système éducatif à Jérusalem

Le régime d'occupation a élaboré divers plans pour dominer le système éducatif palestinien à Jérusalem, qui accueille 110 000 étudiants des deux sexes. En 2017, l'occupation a formulé un plan quinquennal pour prendre le contrôle total de ce système. En plus des budgets déjà existants, Israël a alloué un budget supplémentaire d'environ 2,2 milliards de shekels, dont 900 millions ont été consacrés au contrôle du secteur éducatif palestinien. [Documents du ministère israélien de l'Education]. La société palestinienne de Jérusalem peut aujourd'hui ressentir les effets de ce plan et de ce budget à travers l'expansion sans précédent du programme israélien, le Bagrut, ainsi que le retrait du programme palestinien, l'impression de nouvaux manuels scolaires et leur imposition dans toutes les écoles municipales et toutes les écoles privées qui reçoivent un financement partiel du ministère de l'Education.

Depuis 2017, 12 inspecteurs supplémentaires ont été nommés par le ministère israélien pour superviser l'éducation palestinienne à Jérusalem. Le résultat le plus marquant de cette nomination a été l'inspection des manuels scolaires et la menace d'arrêter le financement des écoles privées, comme cela s'est produit avec Al-Iman, Al-Ibrahimiyya, Al-Mutran et d'autres écoles au cours des deux dernières années.

Cette politique s'est accompagnée de la fermeture du Bureau de la direction palestinienne de l'éducation et d'un assaut contre les écoles relevant de sa compétence. Le régime d'occupation a réussi à réduire le nombre d'élèves étudiant dans les écoles de Jérusalem rattachées au ministère des dotations religieuses (Awqaf) du gouvernement palestinien de 18 % en 2015 à 10 % en 2022, selon les statistiques publiées par le ministère palestinien de l'Education.

Selon une fiche d'information publiée par le Jerusalem Human Rights Center en août 2023 sur l'éducation à Jérusalem, environ 110 293 élèves (à l'exclusion des jardins d'enfants) étudient dans 249 écoles à Jérusalem-Est.

Le facteur le plus inquiétant en ce qui concerne les écoles de Jérusalem-Est est l’insuffisance de la capacité d'accueil des classes. En effet, la croissance naturelle de la population à Jérusalem-Est est de 2,5 % par an, ce qui nécessite la création de 80 nouvelles classes chaque année, alors que les dotations actuelles satisfont à peine la moitié de cette exigence. [Jerusalem HR Center, 2023]

Les écoles relevant de l'Autorité palestinienne peuvent absorber environ 31 000 élèves et en desservir plus de 45 500, ce qui signifie qu'il y a un besoin urgent de 560 nouvelles classes supplémentaires, en plus des 80 classes annuelles pour répondre aux besoins dans les cinq années à venir. [Jérusalem HR Center 2023]

Indépendamment de tous les autres facteurs cités ci-dessus, le régime d'occupation a annoncé en 2019 son intention de suspendre toutes les licences accordées aux écoles de l'UNRWA à Jérusalem-Est. Il prévoit de remplacer ces écoles où étudient environ 1800 élèves par des écoles gérées par la municipalité du régime d'occupation, avec le soutien du ministère israélien de l'Éducation.

Après le 7 octobre 2023 et jusqu'à la fin du mois d'avril 2024, le ministère israélien de l'Education a pris des mesures décisives et définitives à l'égard des écoles de Jérusalem, en particulier à l'égard des écoles approuvées mais non officielles, c'est-à-dire les écoles locales et privées, et en particulier les écoles partiellement financées par le ministère israélien. Ces mesures concernaient l'utilisation du programme scolaire palestinien et comprenaient des inspections soudaines dans toutes ces écoles, en particulier entre novembre 2023 et mars 2024. Les inspecteurs se sont introduits violemment dans les classes, ont fouillé les cartables et examiné les manuels utilisés par les enseignants. Suite à ces fouilles dans certaines écoles et à la découverte de manuels scolaires palestiniens, plusieurs mesures ont été adoptées. Celles-ci comprenaient la suspension temporaire du financement partiel par le ministère israélien, un interrogatoire des directeurs d'école et d'autres responsabless et l'envoi à ces écoles de lettres les avertissant que leur licence leur serait retirée. Cela a conduit d'autres écoles à retirer leurs manuels palestiniens aux élèves et aux enseignants et à les remplacer par d'autres livres fortement orientés publiés par le ministère israélien, et cela afin d'éviter des perturbations continues de la scolarité des élèves. Parmi les écoles qui ont fait l'objet de ces sanctions vicieuses figurent Al-Iman, Al-Ibrahimiyya et Al-Mutran [entretiens avec des directeurs d'école, 2024].

La politique d'imposition de taxes, d'amendes arbitraires et d'autres mesures punitives

Depuis le début de l'occupation israélienne de Jérusalem, le régime d'occupation, par l'intermédiaire de ses différentes branches, en particulier de la soi-disant « Municipalité d'Urshalim al-Quds », a cherché à imposer des taxes exorbitantes aux habitants palestiniens de la ville, surtout de la vieille ville. Parmi ces taxes, l'« arnona » est la plus courante et la plus lourde de conséquences pour la population palestinienne. Il s'agit d'une taxe imposée par la loi aux propriétaires d'immeubles et de terrains, et qui est déterminée en fonction de l'estimation de la nature et de la superficie d'un immeuble. Elle est également déterminée en fonction du type d'utilisation. Si le bâtiment est commercial, le taux d'arnona est plus élevé que s'il est résidentiel.

Le régime d'occupation a utilisé cette taxe comme une mesure importante pour expulser les habitants palestiniens de Jérusalem, car son taux est très élevé. Par exemple, un citoyen paie environ 60 shekels par an pour chaque mètre carré d'un appartement résidentiel dont la superficie totale ne dépasse pas 118 mètres. Les propriétaires d'appartements de plus de 118 mètres paient 90 shekels. Bien que les Juifs de Jérusalem paient également cette taxe, la discrimination est évidente. Les quartiers juifs sont traités différemment en ce qui concerne la fourniture de services [données sur l'arnona sur le site web de la municipalité].

L'arnona a également été utilisé comme un instrument pour déterminer la résidence d'un Palestinien dans la ville. Dans toutes les transactions avec l'occupation, en particulier avec le ministère de l'Intérieur, un Palestinien est tenu de produire des bordereaux d'arnona pour prouver qu'il/elle réside à Jérusalem, faute de quoi son permis de séjour est révoqué. [Nasir al-Din-Tabaji, 2024].

Mais depuis le 7 octobre 2023, et jusqu'à ce jour, les taxes et les amendes ont pris un caractère punitif et revanchard. De nombreuses amendes ont été imposées aux citoyens pour les raisons les plus minces, les moins justifiées et les moins raisonnables, telles que la présence de mégots de cigarettes devant les portes des maisons ou même de feuilles d'arbres. Ces mesures ont été appliquées de manière plus stricte à l'encontre des personnes accusées de résistance ou d'activisme politique. [La Poigne de fer, 2023]

Un exemple est ce qui est arrivé à la famille du martyr K.M. du quartier de Bayt Hanina à Jérusalem où le régime d'occupation a ordonné la fermeture de l'appartement familial situé dans un immeuble qui comprend 9 autres appartements. L'ordre a été exécuté en avril 2024. La municipalité d'occupation avait émis un ordre d'infraction contre l'ensemble de l'immeuble en novembre 2023, affirmant dans des avertissements adressés à tous ses résidents que l'immeuble avait été construit en 1997 sans avoir obtenu un permis de construire, ce qui signifie que la municipalité avait l'intention d'ordonner la démolition de l'immeuble. Pour couronner le tout, lorsque les forces d'occupation ont attaqué l’appartement du martyr, accompagnées d'inspecteurs de la municipalité, ces derniers ont trouvé une vieille machine à laver à l'entrée de l'immeuble (et non dans la rue principale ou sur le trottoir), ainsi que des mégots de cigarettes et des feuilles d'arbres dans la cour de l'immeuble, et ont puni le père du martyr par deux amendes.

La même chose s'est produite lorsque les forces israéliennes ont fait irruption dans la maison de la famille du martyr K.A. dans le quartier de Shiyah à Jérusalem où les inspecteurs ont imposé des amendes aux résidents de l'immeuble après avoir trouvé des fientes de pigeon sur le toit.

En décembre 2023, les troupes d'occupation et la municipalité ont fait irruption dans la maison d'un militant, N.H., dans le quartier de Sawwana à Jérusalem, et une amende a été imposée au propriétaire de l'immeuble parce que le jasmin au mur du jardin avait étendu ses branches vers l'extérieur, et aussi parce qu'ils ont trouvé une vieille voiture abandonnée dans la cour de cet immeuble, et qui n'avait pas un permis de circuler.

Des dizaines d'exemples de ce type existent et démontrent que le régime d'occupation de Jérusalem s'est efforcé au lendemain du 7 octobre de mettre en œuvre une politique de punition collective à l'encontre de la société palestinienne en général et de la société de Jérusalem en particulier.

La politique de révocation des permis de séjour et de la citoyenneté de la population palestinienne de Jérusalem

Dès qu'Israël a occupé Jérusalem-Est en 1967, il a commencé à mettre en œuvre des lois et des politiques visant à judaïser la ville, à saper le plus possible la présence palestinienne et à faire de la population palestinienne une minorité vivant au sein d'une majorité juive.

Le gouvernement israélien s'est employé à recenser et enregistrer la population palestinienne de Jérusalem-Est[2] afin de la surveiller de près et de contrôler sa démographie. Il a imposé un statut juridique fragile à la population de la ville, représenté par le droit de résidence, un statut juridique qui n'a rien à voir avec la citoyenneté et qui place son détenteur sous la menace constante d'en être privé à tout moment. En outre, le régime d'occupation a privé tout habitant de Jérusalem qui ne se trouvait pas dans la ville au moment du recensement de son droit de vivre dans la ville. Cela faisait partie d'une stratégie visant à assurer la souveraineté et la domination israéliennes à Jérusalem-Est après son occupation, ce qui a eu de graves conséquencessur la vie politique, sociale et économique de la ville. [Nasir al-Din -Tabaji, 2024 et l'avocate Fatima, interview 2024].

Ces lois accordent au ministre de l'Intérieur des pouvoirs très étendus pour révoquer les permis de séjour des Palestiniens sous toutes sortes de prétextes, tels que l'obtention par un habitant de Jérusalem d'un permis de séjour ou de la nationalité d'un autre pays, ou le fait d'avoir vécu pendant sept ans en dehors des limites municipales de la ville de Jérusalem. À cet égard, toute personne ayant vécu dans la banlieue de Jérusalem ou dans une zone adjacente au mur de séparation ou dans une zone désignée comme ne faisant pas partie des cartes de la municipalité de Jérusalem, ou toute personne ayant quitté le pays temporairement, peut voir son permis de séjour révoqué par le ministère de l'Intérieur. Sans parler des cas où les permis sont révoqués pour des allégations en rapport avec la « loyauté » ou les « actes de troubles publics ». [`Ubaidat, l'avocat Malik, interview, 2024]

Par ailleurs, la politique israélienne en matière de regroupement familial est de l’interdir à un Palestinien ou une palestinienne si sa femme ou son mari est originaire de Cisjordanie ou de Gaza. La législation indique clairement que son objectif est de maintenir la prépondérance démographique des Juifs dans le pays. Le régime d'occupation a mené une politique complexe, qui concerne également l'enregistrement des naissances. Avant le 7 octobre, et dans des circonstances « normales », le regroupement familial était un processus très long qui durait parfois trois ans et qui était entaché de tracasseries bureaucratiques et de preuves de résidence extrêmement diffiles à réunir. Les délais vont certainement être encore plus longs dans l’avenir. [Nasir al-Din -Tabaji, 2024]

Le plus grand cauchemar des habitants de Jérusalem est peut-être la politique et les lois appliquées par le ministère de l'Intérieur en ce qui concerne l'établissement d'un « centre de vie ». Ces lois stipulent qu'un habitant de Jérusalem est considéré comme absent tant qu'il n'a pas prouvé sa présence d’une façon irréfutable. Il doit fournir des documents portant sur son lieu de résidence avec sa famille, sur leur consommation d'eau et d'électricité, sur son lieu de travail et celui des autres membres de sa famille, sur le lieu où ses enfants font leurs études, etc. Une preuve est également requise pour les lieux où les membres de la famille reçoivent des soins médicaux, où ils effectuent des transactions financières et même de préciser la nature de leurs relations avec des membres de leurs familles ou des connaissances vivant à l'étranger. Toutes ces choses, les habitants de Jérusalem sont obligés de les authentifier devant le gouvernement afin de prouver où se trouve le « centre de leur vie » et d'être ainsi autorisés à rester à Jérusalem.

Les avocats du Centre des droits de l'homme de Jérusalem ont souligné que les relations du ministère israélien de l'Intérieur avec Jérusalem occupée sont devenues de plus en plus mauvaises et complexes depuis le 7 octobre. Ils ont noté un changement net dans la manière dont ce ministère traite les habitants de Jérusalem, notamment en ce qui concerne la preuve que la ville est le « centre de leur vie », le regroupement familial et l'enregistrement des naissances. D'après l'expérience des avocats, la politique inopinée de ce ministère s'oriente vers la mise en doute de l'authenticité des documents qui lui sont présentés dans le but de révoquer les permis de séjour[3] ou de refuser les regroupements familiaux et les enregistrements de naissance, en alléguant des raisons insignifiantes[4].

En conséquence, les révocations de permis se sont accélérées et l'expulsion « douce » des Palestiniens s'intensifie. De 1967 à 2021, 14 727 habitants de Jérusalem se sont vu retirer leur permis de séjour. Cette politique est la plus raciste qui soit et vise à expulser les habitants autochtones et à les remplacer par des colons, comme cela s'est produit en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid.

La politique de démolition des maisons et de refus de permis de construire

Les données publiées par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) indiquent que les démolitions effectuées au cours du premier trimestre 2024 ont touché 96 bâtiments dans la province de Jérusalem, dont 44 étaient des maisons habitées par 151 personnes, parmi lesquelles 59 étaient des enfants. Le quartier `Isawiyya et la zone de Jabal al-Mukabbir ont subi la plus grande partie de ces démolitions, 14 dans le premier et 13 dans le second.

Ces données permettent de conclure que le régime d'occupation a mis en place une politique claire, illégale en droit international et humanitaire, qui consiste à interdir aux Palestiniens de construire à l'intérieur des murs de la vieille ville et à restreindre sévèrement les constructions à l'extérieur. Obtenir un permis de construire quand on est palestinien est extrêmement difficile, alors que les Juifs sont évidemment autorisés à construire des colonies avec la plus grande facilité.

De nombreux Palestiniens ont eu recours à la construction, même sans permis, afin de pouvoir rester sur place et pour se préparer à l'augmentation naturelle des membres de leurs familles. Pour contrer cela, le régime d'occupation et son instrument de répression, la municipalité de Jérusalem, ont pris un certain nombre de mesures qui obligent les habitants de Jérusalem à démolir leurs maisons de leurs propres mains, en plus de punitions telles que le paiement d'amendes exorbitantes et, parfois, l'arrestation et l’incarcération.

Une fiche d'information publiée en septembre 2022 par le Jerusalem HR Center intitulée "Self-demolition in Jerusalem : Entre le marteau et l'enclume « indique une nette augmentation des auto-démolitions imposées par l’occupant. Les chiffres montrent que sur 98 constructions démolies au cours des neuf premiers mois de 2022, 41 l'ont été par leurs propriétaires eux-mêmes [Jerusalem Center 2022].

Conclusion

À Jérusalem, le régime d'occupation cherche à imposer un contrôle total sur la ville par le biais d'une série de stratégies systématiques conçues pour saper la présence palestinienne dans la ville et enraciner l'occupation d'une manière irréversible.

Le présent document a tenté de mettre en évidence certaines de ces stratégies : expansion de la colonisation à Jérusalem-Est afin de modifier son caractère démographique ; division des quartiers palestiniens ; interdiction de toute expansion palestinienne ; restriction sévère de la construction par les Palestiniens et création de conditions de vie extrêmement difficiles qui resserrent l'étau autour d'eux. Cela est clairement démontré par le resserrement des permis de construire pour les Palestiniens alors qu'ils sont considérablement assouplis pour les projets de colonisation, forçant les Palestiniens à vivre dans des conditions de surpeuplement ou à chercher des maisons en dehors de la ville et derrière le mur de séparation comme Kafar `Aqab et la région du camp de réfugiés de Shu`fat. Une fiche d'information publiée par le Jerusalem HR Center révèle qu'un tiers de la société de Jérusalem[5] réside dans des régions situées derrière le mur de séparation et sur une superficie inférieure à 5 % de la superficie totale de Jérusalem-Est[6]. En outre, le régime d'occupation s'efforce de dominer le secteur de l'éducation et de déformer les programmes pour les adapter à son agenda politique en faisant pression sur les écoles pour qu'elles adoptent des programmes qui obscurcissent ou cachent le récit palestinien, menaçant ainsi l'identité culturelle des générations à venir.

Après le 7 octobre 2023, toutes ces mesures ont visiblement gagné en intensité. Jérusalem a été témoin d'un pic d'arrestations, de démolitions de maisons et de restrictions supplémentaires à la circulation à travers les points de contrôle. À cela s'ajoutent d'autres politiques et mesures telles que la révocation des permis de séjour et l'interdiction des regroupements familiaux et de l'enregistrement des naissances.

Toutes ces mesures sont conçues pour créer une nouvelle réalité démographique et géographique qui place des obstacles devant les Palestiniens en ce qui concerne leurs droits fondamentaux à Jérusalem et pour empêcher Jérusalem de devenir la capitale d'un futur État palestinien. Elles reflètent en outre la détermination du régime d'occupation à imposer un contrôle total sans tenir compte des conséquences juridiques, humanitaires et politiques, ce qui est considéré comme une violation flagrante des lois et conventions internationales.

 

[1] Considérant que la taille moyenne d'une famille est de 5 personnes et qu'il y a 19 287 nouvelles unités de colonisation.

[2] Lorsque la partie orientale de Jérusalem a été occupée en 1967, les résidents palestiniens vivant à l'intérieur des frontières dessinées par l’occupant ont reçu une carte d'identité bleue en tant que résidents, refusant ainsi le droit de résider à Jérusalem à des milliers de Palestiniens qui faisaient partie du gouvernorat de Jérusalem selon les frontières officielles, ainsi qu'aux résidents des villages au nord-ouest de Jérusalem, tels que les bédouins de Beit Aksa, Nebi Samuel, Beit Hanina Al Balad, Anata et Hizma.

[3] En d'autres termes, il s'agit de remettre en question le fait que le « centre de vie » d'un citoyen est la ville de Jérusalem.

[4] Récemment, le Centre de Jérusalem a traité des dizaines de cas dans lesquels le ministère de l'Intérieur a refusé de preuves concernant le « centre de vie » pour des raisons illogiques. En conséquence, le demandeur habitant Jérusalem doit prouver le contraire des « conclusions » du ministère de l'Intérieur en déposant un recours. Un exemple étrange que le Centre de Jérusalem a traité est le rejet d'une demande de regroupement familial présentée par un citoyen palestinien au motif que sa consommation d’électricité pendant un mois était inférieure à la moyenne des années précédentes.

[5] Diverses statistiques indiquent que la population des Palestiniens de Jérusalem (titulaires d'une carte d'identité israélienne) s'élève à 362 000 personnes. En revanche, il semblerait que le nombre de Jérusalémites vivant derrière la barrière soit de 121 000 (59 400 dans la zone de Kafr Aqab et 61 500 dans la zone du camp de réfugiés de Shuafat, Ras Hamis et Ras Shehadeh).

[6] La superficie de Jérusalem-Est est estimée à 75 kilomètres carrés. La zone située derrière le mur ne mesure que 3,1 km2, soit 4,1 %.

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À PROPOS DE L’AUTEUR:: 

Rami Saleh : Directeur du bureau de Jérusalem du « Centre de Jérusalem pour l’assistance juridique et les droits de l’Homme ».