La brutale agression israélienne contre le Liban, qui a fait des milliers de morts et de blessés, détruit de nombreux villages et quartiers urbains, et déplacé plus d'un million de Libanais en peu de temps, a été planifiée depuis longtemps. C’est un scénario auquel l'armée israélienne s’est préparée depuis plus de 18 ans, en attendant l'occasion et le moment opportuns.
Israël a profité de la guerre de soutien à Gaza, menée par le Hezbollah à partir du 8 octobre, et qui est devenue avec le temps une guerre d'usure avec sa propre dynamique, comme prétexte pour obtenir l'approbation des États-Unis et une légitimité internationale lui permettant de lancer une campagne militaire de grande ampleur contre le Hezbollah, qui a commencé par l'attaque des bipeurs le 17 septembre.
En ce qui concerne les préparatifs israéliens qui ont précédé cette campagne, le ministre israélien de la défense, Yoav Galant, avait annoncé le 11 septembre que le poids de la bataille serait déplacé vers le nord. Après que l'armée israélienne a achevé tous ces préparatifs, et que le cabinet de guerre, lors d'une session tenue le 17 septembre, a décidé d'inclure le retour des habitants des colonies du nord dans leurs foyers parmi les premiers objectifs d’Israël, les événements se sont succédé : assassinat de hauts dirigeants du Hezbollah et bombardement massif du sud du Liban, de la banlieue sud de Beyrouth et de la vallée de la Bekaa. La campagne israélienne a culminé avec l'assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le 27 septembre. Jusqu'à cette date, son objectif déclaré était de repousser les combattants du Hezbollah au-delà du Litani, mais depuis ce jour, elle a acquis des dimensions bien plus importantes, comme l'a annoncé Benjamin Netanyahu qui a décrit l'assassinat de Nasrallah comme « un tournant historique dans le conflit du Moyen-Orient et une étape décisive dans la réalisation des objectifs stratégiques d'Israël"[1].
Quels sont ces objectifs stratégiques ?
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Restaurer le prestige de la dissuasion israélienne, en particulier après l'échec de l’armée sur les plans du renseignement et de la défense face au Hamas Hamas le 7 octobre. L'assassinat du secrétaire général et des hauts responsables militaires du Hezbollah visait à démontrer les capacités d’Israël dans le domaine du renseignement et de la technologie militaire, et sa supériorité sur ses adversaires.
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Les Israéliens estiment que l'Iran encercle Israël depuis le début de l'opération Déluge d’Al-Aqsa, au sud par le Hamas, au nord par le Hezbollah, à l'est par les bombardements des milices chiites pro-iraniennes en Irak, et au sud par les Houthistes et leurs missiles balistiques.
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Un objectif stratégique tout aussi important qui a commencé à être évoqué immédiatement après l'assassinat de Nasrallah est l’avènement d’un "nouveau Moyen-Orient"[2], en profitant de l’affaiblissement de « l'axe de la résistance » dirigé par l'Iran.
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Avec l'annonce d’une opération terrestre au Sud-Liban, il a été de nouveau question de détruire les tunnels creusés par le Hezbollah en préparation d'une incursion similaire à celle du 7 octobre. Il a été également question d'établir une zone tampon de sécurité s'étendant de la frontière au fleuve Litani, dans laquelle le Hezbollah serait désarmé et son arsenal de missiles retiré par la force ou par le biais d'un accord politique. Toutefois, certains envisagent des scénarios plus graves, comme la possibilité que les opérations terrestres ne se limitent pas à la zone frontalière et que les forces israéliennes atteignent Beyrouth[3].
Quel est l'impact de l'attaque de missiles iraniens contre Israël sur son agression contre le Liban ?
Le lendemain de l'attaque de missiles iraniens contre Israël, l'Iran est entré dans la ligne de confrontation directe avec Israël, alors que les deux parties préféraient l’éviter de peur que la guerre à Gaza et au Liban ne s'étende à l’échelle régionale.
Les Iraniens ont justifié leur attaque du 1er octobre par l'assassinat à Téhéran d'Ismail Haniyeh, et à Beyrouth de Hassan Nasrallah et du commandant des Gardiens de la révolution au Liban. Ce qui est certain, c'est que cette attaque a dissipé l'euphorie israélienne qui prévalait depuis l'assassinat de Nasrallah, et a placé Israël devant le dilemme de savoir comment répondre à l'Iran sans déclencher une guerre régionale que redoutent les Américains à la veille de de leurs élections présidentielles.
C'est pourquoi, jusqu'à présent, Israël semble indécise quant à l’ampleur de sa riposte et de sa capacité à frapper durement des sites stratégiques iraniens sans se laisser entraîner dans une guerre régionale. Toutefois, tout cela pourrait changer, compte tenu de l'évolution rapide du conflit en cours, aussi bien au Liban qu’à Gaza.
Une seule certitude : la poursuite de l'agression contre le Liban, avec le danger de son extension géographique, ce qui signifierait davantage de morts et de destctions.
[1] "Netanyahou : Le succès de l'opération d'assassinat de Hassan Nasrallah est un pas décisif vers la réalisation des objectifs stratégiques d'Israël", "Sélection de la presse hébraïque", 29/9/2024.
[2] Amos Yadlin, "Au-delà de Nasrallah : Israël crée un nouveau Moyen-Orient", "Sélection de la presse hébraïque", 29/9/2024.
[3] Tamir Hayman, "L’incursion terrestre qui a commencé à la frontière pourrait se terminer à Beyrouth", "Sélection de la presse hébraïque", 2/10/2024.