Synthèse :
Le présente étude se propose, en partant des rapports humanitaires disponibles, de décrire et d'analyser la situation des prisonniers palestiniens après le 7 octobre, cela en se posant la question fondamentale de l'impact de ces événements sur les politiques israéliennes suivies à l'égard des prisonniers. L'étude fait l’hypothèse que les politiques répressives de Ben-Gvir étaient déjà en gestation avant le 7 octobre, et que le gouvernement israélien actuel a ensuite utilisé les événements comme prétexte pour s'en prendre aux prisonniers et les réprimer. Le papier est divisé en deux parties : la première décrit l’aggravation continue de la violence envers les prisonniers (antérieurement au 7 octobre), tandis que la seconde aborde l’institutionnalisation de la violence sur les prisonniers après cette date.
Introduction
Au 1er février 2024, on dénombrait environ 8 926 prisonniers palestiniens, parmi lesquels 2 084 déjà condamnés, 2 752 en détention provisoire, 3 484 en détention administratifs, et 606 « combattants illégaux ». À noter que ce dernier statut n'a pas de légalité reconnue dans le droit international, et qu’il est défini dans le droit israélien comme « toute personne qui participe à des actes hostiles envers l'État d'Israël, que ce soit directement ou indirectement ou qui appartient à des forces qui accomplissent de tels actes envers l'État d'Israël, sans toutefois remplir les conditions pour relever du statut de prisonnier de guerre tel que défini par le droit humanitaire international ». Par ailleurs, ces chiffres n’incluent pas ceux des ouvriers de la bande de Gaza qui ont résidé légalement dans les zones de 1948 à la veille de la guerre et qui ont été mis en détention à la suite de l'annulation de leur permis de travail.[1]
Après le 7 octobre, les prisons israéliennes ont enregistré nette détérioration des conditions de détention des prisonniers, du fait d’un dispositif de lois et de directives visant à exercer sur eux des rétorsions, ce qui a conduit au décès de 11 prisonniers, [2] (du moins jusqu'à l'heure où nous rédigeons ces lignes), des suites de torture programmée ou de négligence médicale.
Première partie : l’escalade de la violence contre les prisonniers (antérieurement au 7 octobre)
On peut affirmer que les manifestations de violence envers les prisonniers n'ont pas commencé avec les événements du 7 octobre, car depuis le début de l'occupation, les prisonniers ont toujours été soumis à des violences corporelles qui ont porté atteinte à leurs droits fondamentaux. Toutefois, avec le développement des mouvements de lutte pour les droits des prisonniers, notamment des grèves de la faim, les conditions de vie à l'intérieur des prisons sont devenues moins mauvaises. Cela n'a pas empêché les prisonniers de servir de boucs émissaires aux décideurs israéliens, la violence à leur encontre s’accroissant en période de tension sécuritaire et reculant lors des accalmies relatives.
Le fait que les actions menées par les prisonniers au sein du mouvement national palestinien ne soient documentées que depuis 1967 ne signifie pas que la lutte n’existait pas auparavant, puisque le mouvement a pris naissance au moment des premières incarcérations survenues sous l'occupation militaire britannique de la Palestine en 1917, puis s'est poursuivi durant la période de colonisation sioniste qui a débuté avec la fondation de l'État d'Israël en 1948. Dans son traitement des prisonniers, Israël s'est appuyé sur les lois d'urgence de 1945, héritées de l'occupation anglaise et fondées sur l'utilisation des prisons comme moyen de punition des combattants palestiniens, en les maintenant dans des conditions de détention désastreuses, en les privant des besoins essentiels que leur reconnaît le droit humanitaire. L'idée était d'obtenir l'obéissance du prisonnier et de le forcer à se soumettre, afin de nier en lui à la fois sa qualité de citoyen et celle d’être humain. Pour cela, les prisonniers étaient harcelés moralement jusqu’à épuisement, affamés et privés des besoins élémentaires requis pour mener une vie humaine décente ; ils étaient soumis parallèlement à des mesures de déchéance de citoyenneté et de ciblage sécuritaire, ainsi qu’à une stratégie de rétorsion culturelle et autres pratiques similaires.[3] Toutefois, avec le développement de la lutte pour les droits des prisonniers, à travers le recours à des grèves de la faim répétées (la « politique des estomacs vides »), la cruauté des conditions de vie a été parfois quelque peu adoucie (cf. en annexe un tableau montrant les principales grèves menées par le mouvement de lutte des prisonniers).
Les décrets Shalit
On peut décrire la montée de la violence qui a frappé les conditions de vie des prisonniers palestiniens comme suit : après la capture en 2006 du soldat israélien Gilad Shalit par des résistants de la bande de Gaza, qui ont réussi à le garder en détention pendant plusieurs années, on a assisté à une recrudescence des appels émanant de l'intérieur de la société israélienne pour que les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes soient davantage utilisés comme moyen de pression contre la résistance. L’idée était de durcir les conditions d’existence quotidienne des prisonniers dans l'espoir que cela contribuerait à faire pression sur la résistance pour qu’elle accélère la conclusion d'un accord d'échange de prisonniers, ou au moins qu’elle réduise ses revendications.
L'activisme législatif a commencé immédiatement après la capture de Shalit, à mesure que se répandait dans les milieux israéliens la thèse selon laquelle celui-ci ne jouissait pas des mêmes droits que les Palestiniens, comme le droit à des visites de la Croix-Rouge par exemple, et deux projets de loi ont été soumise à la 17e Knesset. Ainsi, un projet de loi présenté en 2007 stipulait que toute organisation retenant des Israéliens prisonniers et les privant de visites – que ce soit de la Croix rouge ou de leur avocat –pouvait conduire à la même privation sur décision du ministre de la Sécurité intérieure. De même, une projet de loi présenté en 2008 stipulait l'interdiction de principe de toute visite à des membres d'une organisation détenant un israélien, avec une faculté laissée au ministre de la Sécurité intérieure d'autoriser les visites au cas par cas. Toutefois, aucune des deux propositions n'a finalement été entérinée, car le gouvernement redoutait qu'elles représentent des violations du droit international.[4]
Le droit israélien a défini les conditions de vie des détenus palestiniens pour menace à la sécurité dans des lois et des directives de l’administration pénitentiaire israélienne, le « Shabas ». En ce qui concerne les visites, on accorde à chaque prisonnier condamné une visite de sa famille toutes les deux semaines, et à chaque détenu non-condamné une visite par semaine, et cela de ses proches du 1er degré (la mère, le père, l'épouse, les enfants, les frères et sœurs), chaque visite étant de 45 minutes. Le nombre des visiteurs adultes est limité à trois, auquel s’ajoute un enfant. Par ailleurs le commissaire (directeur général) du Shabas ou son adjoint est habilité à interdire de visite tout prisonnier lorsqu'il estime qu’elle pourrait mettre en danger la sécurité d'Israël. Les visites de la Croix-Rouge aux prisonniers nécessitent l'accord conjoint du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Justice et de celui de la Défense. S’agissant des visites par les avocats, les prisonniers non-condamnés en ont le droit dans les dix jours ayant suivi leur mise en détention, mais peuvent reportées pour des raisons de sécurité ; le prisonnier déjà condamné, lui, a droit à la visite de ses avocats.[5]
Il faut ajouter au point précédent l'autorisation de virement d'argent en faveur des prisonniers dans le but d'acheter des denrées alimentaires à la cantine de la prison, tout comme on autorise les prisonniers à posséder une radio et un téléphone ; il s'agit là de faveurs accordées par l’administration pénitentiaire, qui peut les interdire ou en priver certains prisonniers à tout moment.[6]
En définitive, la volonté de faire pression sur la résistance a pris le pas sur la crainte de commettre des violations du droit international, volonté qui s’est matérialisée dans les décrets pris par le gouvernement israélien en date du 17 mars 2009 afin de resserrer l’étau sur les prisonniers pour inciter le Hamas à libérer Shalit. Ces décrets stipulent : 1) l'interdiction des visites familiales ; 2) l'interdiction des visites de la Croix-Rouge jusqu'à ce que celle-ci soit autorisée à se rendre auprès de Shalit ; 3) l'interdiction de toute rentrée d'argent ou de vêtements envoyée par la famille aux prisonniers ; 4) l'interdiction de tous les appareils destinés à la distraction et à l’d'information ; 5) l'interdiction pour les prisonniers condamnés de recevoir la visite de leurs avocats.[7]
La commission Erdan / Kaatabi
Malgré la conclusion en 2011 d'un accord d'échange de prisonniers entre la résistance et Israël, au terme duquel le soldat Gilad Shalit a été libéré, le débat relatif aux conditions de vie des prisonniers a fait l'objet d'une surenchère politique de la part des politiciens israéliens, c'était à qui les traiterait le plus cruellement et se montrerait le plus intraitable sur la sécurité. Cette surenchère a abouti vers la mi-2018 à la promulgation par le ministre de la Sécurité, Gilad Erdan, d'un décret portant création d’une commission présidée par le Haut-commissaire à la retraite du Shabas, Shlomo Kaatabi, afin d’émettre des recommandations visant à durcir les procédures sécuritaires et les conditions de détention des détenus incarcérés pour menace à la sécurité, en vue de réduire les protections dont ils jouissent au « minimum requis par le droit ». Le ministre a ainsi déclaré : « Toute personne qui poussée par des motifs religieux ou nationalistes, planifierait l'exécution d’une action terroriste, doit savoir qu'elle en paiera le prix de sa vie, ou à tout le moins qu’elle passera de nombreuses années en prison ». Au passage il a prétendu que de nombreux prisonniers palestiniens avaient eux-mêmes cherché la mort ou l'emprisonnement en conduisant des attaques-suicide comme moyen d'échapper à des problèmes familiaux ou à des difficultés financières. En conséquence, la commission devait s’atteler à supprimer les avantages qu’ils avaient pu obtenir dans leurs conditions de détention afin que la vie ne leur soit pas rendue facile.[8] Erdan incitait dès lors l'administration pénitentiaire à revoir les objectifs présidant à l’incarcération des détenus incarcérés pour troubles à la sécurité, l'objectif essentiel devant être que ces détenus soient dissuadés de retourner en prison par la suite.[9]
Les recommandations de la commission Erdan / Kaabati incluaient ainsi l'annulation de ce qu'on appelait « l’autogestion » au sein des prisons, principe en vertu duquel les prisonniers étaient orientés vers les différents blocs de la prison en fonction de leur appartenance organisationnelle. Avec cette annulation, les prisonniers du Hamas ne seraient plus séparés de ceux du Fatah, et tous les blocs seraient désormais mélangés de manière que les prisonniers ne puissent plus mettre en place des stratégies communes face au Shabas, et que leur traitement soit autant que possible individualisé. Cela est allé de pair avec l'annulation de ce qu'on appelait le « porte-parole des prisonniers » (le doubir). Quant aux sommes d'argent déposées au nom des prisonniers, leur plafond serait substantiellement réduit, et il leur serait désormais interdit de cuisiner à l'intérieur des cellules de la prison, la nourriture étant quasi exclusivement fournie par le Shabas. A cela s’ajoutait la réduction forcée de la consommation d'eau, obtenue par la contraction du temps alloué à son utilisation.[10]
Ces recommandations de la commission Erdan / Kaabati sont cependant restées lettre morte, et leur mise en œuvre n’a jamais été entérinée par le gouvernement israélien et l’appareil de sécurité intérieure. À la suite de la constitution d'une commission d'enquête pour examiner l’évasion de six détenus de la prison de Gillboa en 2021, Erdan a révélé que le Shabak avait fait avorter l'exécution des recommandations de la commission en mettant en avant des scénarios effrayants comme quoi leur mise en place menacerait la sécurité du Premier ministre Benyamin Netanyahou, et en laissant entrevoir une explosion de la situation sécuritaire ; dès lors, il préférait que les concessions soient accordées par le gouvernement directement aux organisations présentes à l’intérieur des prisons, et non à Gaza ou en Cisjordanie.[11]
Deuxième partie : l’institutionnalisation de la violence contre les prisonniers (situaton postérieure au le 7 octobre).
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a fait savoir qu’il s’était assigné plusieurs objectifs dès sa prise de fonction, objectifs qu’il a inclus dans un fascicule publié par le ministère sous le titre « Les politiques du ministre de la sécurité nationale » pour 2023-2024. Le cinquième objectif, qui traite des détenus incarcérés pour raison sécuritaire, s’intitule « La modulation des peines, des conditions de détention et des mesures disciplinaires afin de prévenir les incidents » Pour réaliser cet objectif, le ministère a défini un certain nombre de méthodes, au premier rang desquelles : le renforcement de l’autorité conférée à la direction des prisons vis-à-vis des détenus incarcérés pour raison sécuritaire, afin de prévenir le « terrorisme » en réduisant les avantages consentis aux prisonniers et en mettant en œuvre les recommandations de la commission Ardan / Kaabati.[12] Mais une fois encore, Netanyahou et les appareils sécuritaires ont fait obstacle à la coercition imposée aux prisonniers de peur qu’on assiste à une explosion de le situation sécuritaire. Netanyahou a ainsi fait en sorte de reporter la mise en œuvre des décrets Ben-Gvir, [13] et cela à la lumière des menaces brandies par le mouvement des prisonniers d’entamer une grève de la faim illimitée. Mais l'exécution de ces directives ont été reportée, et non annulée. Les événements du 7 octobre sont venus balayer les obstacles qui freinaient la volonté de durcir les conditions de vie des prisonniers et de leur imposer davantage de mesures vexatoires. En effet, le nouveau contexte a provoqué une campagne dans les médias israéliens contre les prisonniers et leurs conditions de détention. On est allé jusqu’à comparer la vie des prisonniers à celles d’un hôtel 5 étoiles.[14] Ces considérations ont conduit à introduire dans le droit des lois et directives visant à durcir le plus possible les conditions de vie des prisonniers.
Les amendements législatifs
Un certain nombre d'amendements législatifs ont été apportées à la situation des prisonniers après le 7 octobre. Pour ce qui concerne les détenus de Gaza, la Knesset a adopté un amendement à la loi de 2002 sur les « combattants illégaux », alors que, s’agissant des prisonniers sécuritaires en Cisjordanie, à Jérusalem et dans les zones de 1948, on est passé par un amendement de la loi régissant l'administration pénitentiaire (état d'urgence pénitentiaire, loi provisoire « Glaives de fer », 2023).[15]
Il convient de souligner que les détenus gazaouis qui sont définis (postérieurement au 7 octobre) comme « combattant illégaux », relèvent directement de l'armée et non de l'administration pénitentiaire, puisque Israël interdit toute communication avec eux à travers la Croix-Rouge ou leurs avocats, et ne divulgue pas leur nom ni leurs conditions de détention. Lorsqu'ils sont convoqués devant le juge, la session judiciaire a lieu sans avocats et par le biais de la vidéo-conférence. Israël a ainsi inventé la notion de « combattant illégaux » pour éviter de les reconnaître comme prisonniers de guerre, s'affranchissant ainsi de l’obligation de protéger tout ceux qu’il incarcère, qu'il s'agisse de civils ou de combattants, et par là viole les procédures d'équité exigées en la matière.[16]
En ce qui concerne les détenus de Cisjordanie, de Jérusalem et des zones de 1948, le Shabas a proclamé le 17/10/2023 l'état d'urgence dans les prisons, et le Commissariat général aux prisons a affirmé qu’il entendait « durcir les conditions de vie des détenus incarcérés au titre de la sécurité nationale », et que « ce qui avait eu cours dans les prisons pour les détenus sécuritaires n'aurait plus cours désormais », et cela afin de bien montrer qu’ils subiraient une dégradation de leur traitement. Les mesures en question incluaient ce qui suit : d’abord la contraction de l’espace accordé aux détenus, et si besoin l’enlèvement des lits qui leur étaient alloués pour les obliger à dormir sur des matelas posés par terre, ce qui a conduit à une surdensité des cellules, ensuite l’adoption de la politique du « cadenassage, impliquant le verrouillage des cellules pour leur appliquer un isolement complet et la fermeture des prisons aux visiteurs de la famille, aux représentants de la Croix-Rouge ou aux avocats, enfin l'annulation de la possibilité d'extraire les détenus de leur prison pour les présenter à un juge, ce qui s'est traduit par la tenue des sessions judiciaire à travers la vidéo-conférence. Toutes ces mesures ont contribué à jeter un voile opaque sur ce qui se passait à l’intérieur des prisons.[17]
Il faut ajouter à ce qui précède le fait que le Shabas a procédé à la confiscation de toutes les sommes d’argent dont disposaient les prisonniers et à la suppression de la cantine et de la possibilité d'acheter des denrées alimentaires ; toutes leurs affaires personnelles leur ont été confisquées et l'électricité leur a été coupée (par exemple dans la prison de Nafha, les cellules ne sont éclairées qu'une heure par jour environ, de 5h30 à 7h du soir), et on leur a retiré tout appareils électrique. La promenade a été supprimée, les possibilités de se doucher ont été limitées, en plus d’autres mesures de rétorsion.[18]
Des violations systématisées et une politique de vengeance
Certains rapports émis par les organisations humanitaires font apparaître l'existence d'une politique systématique de violation des droits des prisonniers palestiniens : tortures, enchaînement de leurs membres supérieurs, application de bâillons sur leurs yeux pendant de longues heures, coups portés sur tous leurs membres, cigarettes éteintes sur le cou des prisonniers et sur leur dos. Il arrive que les soldats urinent sur les prisonniers, qu’on utilise d contre eux des électrochocs, qu’on leur crache dans la bouche, qu’on les empêche de dormir, qu’on les prive de nourriture, qu’o les empêcher d’aller aux toilettes et qu’on les obliger à uriner dans leurs vêtements.[19] Ces violences s’ajoutent aux humiliations qui passent par les insultes, le déshabillage forcé, les agressions sexuelles, les coups portés aux parties génitales, l'obligation d'embrasser le drapeau d’Israël ou de répéter les paroles de l’ « Hatikva » (l’hymne national israélien…De la même façon, les prisonniers ont été privés de toutes sortes soins médicaux, en prison ou dans un hôpital.[20] À quoi il faut ajouter les maigres quantités de nourriture auxquelles ils ont droit et leur mauvaise qualité, ce qui a gravement affecté leur état de santé.
Conclusion
Les prisonniers ont toujours été ciblés par les gouvernements israéliens, mais la situation sécuritaire sensible et la crainte que celle-ci n'explose en raison du statut symbolique dont jouissent les prisonniers au sein de la population palestinienne les avait empêchés d'aller plus loin dans la répression. C’est ce qui a également empêché Ben-Gvir de mettre en œuvre son programme, à savoir accroître les rétorsions et les mesures vexatoires. Toutefois, les événements du 7 octobre ont fourni à Ben-Gvir et à la direction des prisons la couverture qui leur manquait, dans une optique à la fois de dissuasion et de vengeance.
Annexe
Tableau montrant les principales grèves et mouvements de prisonniers dans les prisons israéliennes depuis 1967 [21]
Résultat |
Principales revendications |
Durée en jours |
Date |
Désignation |
Les prisonniers ont été réprimés, placés à l’isolement et soumis à des humiliations |
Amélioration de la qualité de la nourriture et augmentation des quantités, autorisation de cantiner, abolition de l’obligation de répondre aux interpellations des gardiens par la formule « À vos ordres, Maître », refus de l’interdiction de rassemblement de plus de deux prisonniers dans la cour, augmentation du temps de promenade |
11 |
18/02/1969 |
Grève de la prison de Ramleh |
Admission d’un kit réduit de fournitures de papeterie pour la rédaction de courriers à la famille, radiation du mot « maître » du vocabulaire des prisons |
Remplacement des « gummies » (fines paillasses en plastique sur lesquelles dorment les prisonniers), amélioration et augmentation de la nourriture, fournitures de papeterie, refus de l’obligation de répondre aux interpellations des gardiens par la formule « À vos ordres, Maître » |
8 |
18/02/1969 |
Grève de la prison de Kfar Yona |
Amélioration de l’aération, augmentation du temps de promenade, introduction par l’entremise de la Croix-Rouge de certains équipements destinés aux femmes |
Amélioration des conditions de vie en détention. |
9 |
28/04/1970 |
Grève des détenus de la prison de Nafy Tartsa |
Après avoir promis de satisfaire les revendications des prisonniers, la direction pénitentiaire s’est finalement dédite de sa promesse. |
Admission des fournitures de papeterie et des vêtements apportés par la famille, augmentation du temps de promenade |
7 |
05/07/1970 |
Grève de la prison d’Ashkelon |
- |
Amélioration des conditions de vie |
24 |
13/09/1970 |
Grève de la prison d’Ashkelon |
Les directions des prisons ont autorisé l’introduction des fournitures de papeterie pour la correspondance avec la famille, et procédé à l’amélioration de la qualité de la nourriture et l’augmentation de ses quantités, et aussi au remplacement des paillasses usées. |
Amélioration des conditions de vie |
45 |
11/12/1976 |
Grève de la faim illimitée dans la totalité des prisons |
|
Prolongation de la grève précédente après que l’administration pénitentiaire s’est dédite de certaines de ses promesses, ce qui a poussé les prisonniers à reprendre leur grève de la faim |
20 |
24/02/1977 |
Grève illimitée |
La direction a recouru à l’alimentation forcée des grévistes de la faim par l’intermédiaire de tuyaux de plastique introduits par voie nasale dans l’estomac du prisonnier (les détenus suivants sont décédés des suites de cette pratique : Rassem Halawa, Ishaq Maragha et Anis Dawla). Par la suite, une commission dite commission « Kate » a été créée par les autorités d’occupation pour enquêter sur les conditions de détention des prisonniers, et cela particulièrement à la prison de Nafha. La commission a recommandé l’introduction de lits supplémentaires et l’agrandissement des surfaces des cellules et des espaces communs, l’enlèvement de la tôle surmontant les portes pour la remplacer par des grilles, et la situation a connu une amélioration continue, particulièrement à la prison de Nafha où on a réduit le nombre de cellules et autorisé l’introduction des albums photos et des fournitures de papeterie, tandis que des lits supplémentaires étaient progressivement installés dans toutes les prisons. |
Amélioration des conditions de vie |
32 |
14/07/1980 |
Grève de la prison de Nafha (en coordination avec les prisonniers d’Ashkelon et de Beersheba) |
Cette grève a été considérée comme un point d’inflexion stratégique dans l’histoire du mouvement de lutte palestinienne. Plusieurs avancées ont été obtenues, dont le droit à la radio et à la télé, ainsi qu’au port de vêtements civils, l’amélioration de la qualité de la nourriture et des soins, l’admission des draps et des vêtements de nuit fournis par les familles, l’obtention d’écouteurs et de magnétophones à cassettes, enfin l’augmentation du montant de cantine autorisé. |
Amélioration des conditions de vie |
13 |
Septembre 1984 |
Grève de la prison de Junayd |
Cette grève s’est achevée sans résultats tangibles, seulement des promesses données par les directions des prisons qui ne se sont pas matérialisées. |
Récupération des avantages supprimés après l’interdiction pour les prisonniers de recevoir des vêtements de leur famille, l’interdiction des visites au parloir et en cellule, la réduction de la durée de promenade et des quantités de nourriture, venant s’ajouter aux mauvais traitements infligés aux prisonniers. |
20 |
25/03/1987 |
Grève de la prison de Junayd |
- |
Organisée en solidarité et en coordination avec la direction unifiée de l’Intifada palestinienne contre l’occupation |
1 |
23/01/1988 |
Grève de solidarité |
Achevée sur de simples promesses, encore celles-ci émanaient-elles d’un groupement d’avocats de la bande de Gaza intervenu en soutien des prisonniers, sety non de l’administration pénitentiaire qui s’est refusée à la moindre concession. |
Menée pendant la première guerre du Golfe et à l’instauration de l’état d’urgence i dans les prisons, puis du refus de l’administration pénitentiaire de revenir à la situation qui prévalait avant cette instauration |
17 |
23/06/1991 |
إGrève à Nafha |
La grève s’est achevée par un grand succès pour les prisonniers, puisque beaucoup d’avancées fondamentales qu’ils revendiquaient ont été satisfaites, comme la fermeture du couloir d’isolement dans la prison de Ramleh, l’arrêt des fouilles à nu, le retour des visites au parloir, l’augmentation du temps de visite octroyé à la famille, l’autorisation des visites spéciales, l’introduction des plaques de cuisine dans les chambre des détenues, la possibilité d’acheter des conserves et des eaux gazeuses,, ainsi que l’élargissement des achats via la cantine |
Amélioration des conditions de vie |
18 |
25/09/1992 |
Grève illimitée et générale à toutes les prisons |
- |
Grève intervenue après la signature de l’accord du Caire (antérieurement appelé « accord de Gaza-Jéricho ») pour protester contre les modalités d’exécution du volet de l’accord relatif à la libération des prisonniers palestiniens. |
3 |
juin 1994 |
Grève illimitée et générale à toutes les prisons |
- |
Afin de donner une impulsion au dossier des prisonniers politiques et de leur libération avant les négociations de Taba |
18 |
18/06/1995 |
Grève illimitée et générale |
Il a été mis fin à la grève sur la base de promesses de l’administration pénitentiaire d’améliorer les conditions de vie des prisonniers, à commencer par l’octroi à chacun d’une éponge personnelle, mais l’administration s’est ensuite dédite de ses promesses, de sorte que les prisonniers ont été contraints de reprendre la grève jusqu’à ce que l’administration finisse par céder et apporte des brosses à nettoyer qui ont permis une certaine amélioration des conditions de vie.
|
Amélioration des conditions de vie |
18 |
1996 |
Grève de leur prison d’Ashkelon |
- |
À titre de protestation à la suite de la libération par Israël sur les 750 prévus par le marché conclu dans le cadre des accords de Way River, de 150 prisonniers détenus au titre de la réglementation criminelle |
- |
05/12/1998 |
Grève générale illimitée |
L’administration pénitentiaire a donné son accord pour les cas impliquant des considérations humanitaires, à l’exclusion de ceux touchant à la sécurité. Des responsables du Shabak ont été dépêchés pour négocier avec les prisonniers concernés par ces situations, à la condition que lesdits prisonniers s’engagent à ne diriger aucune activité militaire depuis l’intérieur de la prison. En contrepartie, des avancées ont été consenties, comme le retour en détention commune des personnes placées à l’isolement et l’arrêt des fouilles à nu. Par ailleurs, promesse a été donnée de résoudre les problèmes relatifs aux téléphones publics et au droit d’étudier à l’université arabe ouverte. Quelques mois plus tard, alors que ces problèmes n’étaient toujours pas réglés, l’Intifada d’Al-Aqsa s’est déclenchée, et tant la direction des prisons que le Shabak se sont dédits de leurs promesses. |
À titre de protestation contre la politique d’isolement, les fouilles à nu, les conditions et contraintes humiliantes imposées à la visite des familles des détenus palestiniens, tout en martelant un slogan visant à obtenir la libération des prisonniers comme un des termes du processus de paix |
30 |
01/05/2000 |
Grève générale illimitée |
- |
Amélioration des conditions de vie. |
8 |
26/01/2001 |
Grève des prisonnières de la prison de Nafy Tartsa |
Cette grève a obtenu quelques avancées mineures, et a permis la rétractation du dernier train de mesures à l’origine du déclenchement de l’action |
Annulation des mauvais traitements infligés aux prisonniers et du retrait des avantages obtenus |
19 |
2004juin |
Grève générale illimitée |
La grève a échoué à obtenir le moindre résultat tangible |
Amélioration des conditions de vie |
18 |
15/08/2004 |
Grève générale illimitée |
- |
Pour protester contre les fouilles humiliantes imposées à la famille, et pour réclamer l’amélioration des conditions de vie, particulièrement l’exclusion des fouilles nocturnes. |
6 |
10/07/2006 |
Grève de la prison de Shatta |
Suppression de l’isolement individuel, limitation du recours à la politique de détention administrative, autorisation de visite pour les détenus gazaouis et annulation des décrets Shalit. |
En réponse aux décrets Shalit et aux sanctions en découlant |
28 |
17/04/2012 |
Grève générale illimitée |
Traduit de l'arabe par Khaled Osman
[1] "Security prisoners in Israeli prisons", HaMoked, 1/2/2024.
[2] "Onzième depuis le début de l'agression : Le martyre du patient cancéreux Asif al-Rifai de Kafr Ein à Ramallah", Wafa News Agency, 29/2/2024.
[3] Raafat Hamdouneh, "The Prisoner Movement : Origins and Development", Prisoners and Liberators Affairs Authority, 29/5/2019.
[4] Site web de la Knesset israélienne, "Security prisoners in prisons in Israel" (en hébreu), 18/5/2009, p. 7.
[5] Ibid., pp. 4, 5.
[6] Ibid., pp. 6, 7.
[7] Ibid., p. 8.
[8] Ministère de la Sécurité nationale, "Le ministre Erdan a ordonné la formation d'un comité public chargé d'examiner les conditions de détention des prisonniers de sécurité" (en hébreu), 13/6/2018.
[9] Ministère de la Sécurité nationale, "Annulation de l'autonomie des prisonniers de sécurité" (en hébreu), 2/1/2019.
[10] Ibid.
[11] "Erdan v. Shin Bet : Fournir des scénarios de terreur, éviter de nuire aux conditions des prisonniers de sécurité", (en hébreu), Ynet, 2/2/2022.
[12] Ministère de la Sécurité nationale, "Politiques du ministre de la Sécurité nationale 2023-2024" (en hébreu), 21/5/2023.
[13] "Netanyahou reporte la décision sur le durcissement des conditions pour les prisonniers de sécurité ", (en hébreu), Haaretz, 10 septembre 2023.
[14] "C'est ainsi que nous avons permis aux terroristes de transformer nos prisons en hôtels cinq étoiles" (en hébreu), Maariv, 11/10/2023.
[15] Janan Abdo, « Ce qui se passe dans les prisons israéliennes : Disparitions forcées, abus et mort de prisonniers palestiniens", (en arabe), Madar Center, 29/1/2024.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Ibid.
[20] "Systematic violation of human rights : The situation of Palestinians in Israeli prisons since 7/10/2024", Physicians for Human Rights, février 2024.
[21] Tableau préparé par le chercheur. Organisme des affaires des prisonniers et des anciens prisonniers, "History of mass hunger strikes in occupation prisons", 28/5/2019.