Chaque année en Cisjordanie, au moment de la très attendue cueillette des olives, l’armée et les colons israéliens harcèlent les cultivateurs palestiniens pour les chasser de leurs terres et s’emparer de leurs récoltes. Mais l’année 2023, avec le bouclage des territoires palestiniens et la montée en flèche des attaques de groupes de colons armés, a été bien pire que toutes les autres.
Depuis le 7 octobre, à la fois pour se venger de la population palestinienne et dans le cadre du plan d’expulsion annoncé par les chefs des communautés de colons, la violence de ses derniers s’est déchaînée, en particulier contre les agriculteurs, leurs terres et leurs oliviers, qui constituent un précieux gagne-pain pour la population palestinienne.
Des agressions sans précédent
D’après la Comité de résistance contre le mur et la colonisation, depuis l’ouverture de saison de la récolte, la première semaine du mois d’octobre, les colons ont mené près de 333 attaques contre les cueilleurs d’olives. Amir Daoud, directeur général de la documentation et de la publication auprès de ce comité, précise que l’armée d’occupation israélienne et les bandes de colons ont empêché les citoyens palestiniens d’accéder à 50 000 hectares de leurs terres – 30 000 hectares encerclés par les colonies et 20 000 autres isolés par-delà le mur d’annexion et d’apartheid.
L’année 2023 aura été plus sanglante et plus sauvage que toutes les autres. Ainsi, le 28 octobre, les colons ont exécuté de sang froid Bilal Mohamed Saleh, du village de Sawiya, dans la région de Salfit – au centre de la Cisjordanie –, alors qu’il cueillait des olives sur les terres de sa famille. On dénombre en outre 40 agressions et menaces par arme à feu contre les agriculteurs palestiniens, 55 agressions corporelles, 38 opérations d’expulsion et 29 pillages de récoltes.
Amir Daoud parle d’une année noire. Pour lui, la décision du gouvernement israélien d’armer officiellement les colons est une incitation très claire à tuer les agriculteurs, à chasser les communautés palestiniennes de leurs localités et à les forcer à abandonner leurs terres agricoles – d’autant que cette décision fait suite à l’adoption d’un certain nombre de lois racistes garantissant la protection et le soutien inconditionnels des colons.
Un désastre économique
S’agissant des pertes causées cette année par les attaques de l’armée israélienne et des colons contre les champs et les oliveraies de Cisjordanie, Amir Daoud recense 8814 arbres fruitiers arrachés, dont 90% d’oliviers (7904).
Sachant qu’en Palestine, un olivier produit en moyenne 16 kilos d’olives, on évalue à 126 464 kilos la production perdue en 2023 à cause de ces exactions. Un kilo d’olives coûtant en moyenne 15 shekels, on parle ici d’une perte globale de 1 896 960 shekels – près de 513 000 dollars. Pour subvenir à leurs besoins en huile d’olive, les consommateurs palestiniens devront donc se rabattre sur celle de la saison passée, ou se contenter de la quantité limitée produite cette année, à moins que le gouvernement palestinien ne prenne la décision d’interdire l’exportation de l’huile palestinienne et de réserver celle-ci aux besoins du marché intérieur. En tout état de cause, la demande étant bien plus importante que les quantités disponibles, on s’attend à une flambée du prix de l’huile d’olive.
Un recul drastique de la production
Fayyad Fayyad, le président du Conseil palestinien de l’huile d’olive, déclare que cette année, la production a chuté de plus de la moitié par rapport à l’année dernière et aux années précédentes : seules 10 000 tonnes ont été extraites, contre 33 000 en 2022 (une année exceptionnelle), et environ 22 000 tonnes les années d’avant.
Fayyad confirme que ce déficit coïncide avec la recrudescence des attaques de l’armée israélienne et des bandes de colons – elles-mêmes protégées par l’armée –, qui ont soit empêché les agriculteurs d’accéder à leurs oliveraies, soit pillé leurs récoltes, soit carrément confisqué leurs terres.
Il estime pour sa part que pour pallier les pertes de la saison, les consommateurs auront recours à l’excédent de la récolte de l’année dernière.
Rappelons que l’industrie de l’huile d’olive est une source essentielle de subsistance pour des milliers de familles palestiniennes, qui se trouvent à présent en grande difficulté. En conséquence, il conviendra à l’avenir de mettre en place des mécanismes de protection, localement et internationalement, afin de sécuriser les conditions de récolte des saisons à venir.
Traduit en français par Stéphanie Dujols
Sources :
Entretien téléphonique avec Amir Daoud, directeur général de la documentation et de la publication de la Commission de résistance contre le mur et la colonisation (CWRC), 24/11/2023.
Entretien téléphonique avec Fayyad Fayyad, président du Conseil palestinien de l’huile d’olive, 24/11/2023.
“L’olivier palestinien en proie à l’occupation et à la colonisation en 2023”, Institut de recherches appliquées (Arij), 21/11/2023.