Salim Tamari se propose, dans ce recueil d'essais, d'analyser les transformations sociales en Palestine au XXe siècle en partant du rapport ambigu, et souvent conflictuel, qu'entretiennent en Méditerranée la culture du littoral, ouverte sur l'extérieur, et celle de l'arrière-pays, repliée sur elle-même. En l'absence de grandes métropoles en Cisjordanie, coupée de la mer depuis la création d'Israël, le système des valeurs des sociétés urbaines (Naplouse, Hébron, etc.) ne les distingue guère de leur environnement rural, ce qui explique bien des aspects de l'histoire du mouvement national palestinien.
La lecture d'une grande finesse qu'entreprend ensuite Tamari des Mémoires et des récits autobiographiques récemment édités ou réédités lui permet d'explorer plus en profondeur et hors des schémas réducteurs les relations entre modernité et tradition. Ainsi de la convivialité islamo-judéo-chrétienne à Jérusalem au début du XXe siècle, telle qu'en témoigne le musicien Wâsif Jawhariyyeh, ou de l'occidentalisation des moeurs au sein d'une famille traditionnelle de grands propriétaires fonciers, ou de la marginalisation par le sionisme de l'identité judéo-arabe qu'illustrait brillamment un auteur comme Ishâq Shâmî, ou encore de l'engagement dans le mouvement communiste de Najâtî Sidqî, qui ira en 1936 se battre en Espagne dans les rangs des Brigades internationales.