L'Institut des études palestiniennes (IPS) a été créé à Beyrouth en 1963 en tant qu'institution de recherche indépendante à but non lucratif, non affiliée à une organisation politique ou à un gouvernement. La création de l'institut, le premier du genre dans le monde arabe, est intervenue à un moment où la question palestinienne retrouvait sa place centrale dans la politique interarabe et où l'identité palestinienne recouvrait sa vitalité. Trois intellectuels arabes, Constantine Zurayk (Syrie), Walid Khalidi (Palestine) et Burhan Dajani (Palestine), ont cherché des moyens de relever le défi posé par la création de l'État d'Israël sur la majeure partie de la Palestine, l'expulsion de ses habitants, leur Nakba persistante et la menace croissante qu'Israël fait peser sur le monde arabe. Dans un environnement où Israël et ses partisans avaient le quasi-monopole du récit israélo-palestinien, ils ont considéré que leur rôle spécifique relevait du domaine de la connaissance et des valeurs, et ont jugé nécessaire de lancer un effort collectif soutenu qui préserverait, développerait et diffuserait un récit précis du conflit depuis ses origines au XIXe siècle, fournissant ainsi  un argumentaire puissant en faveur des droits historiques des Palestiniens.

Leur vision, qui a été approuvée avec enthousiasme par huit intellectuels et personnalités libanaises et palestiniennes, a conduit à la création de l'IPS. Depuis sa création, l'Institut est passé par plusieurs étapes de développement, certaines initiées par l'Institut lui-même, et d'autres déclenchées en réponse aux défis posés par les événements politiques majeurs en Palestine et dans la région.

Première étape (1963-1970) : Documenter la Palestine, aborder la question de l'occupation

Au cours de cette phase, les membres fondateurs ont élargi le conseil d'administration de l'IPS afin d'y inclure des personnalités arabes et des hommes d'affaires de toute la région. Plusieurs collections documentaires (documents antérieurs à 1948, résolutions de l'ONU, séries annuelles à partir de 1964) ont été lancées en arabe et en anglais, ainsi qu'un annuaire et de courtes monographies. Une attention particulière a été accordée à la constitution d'une bibliothèque spécialisée et à la collecte de documents d'archives relatifs à la Palestine. Cependant, les activités de l'IPS venaient à peine de commencer lorsque la guerre de 1967 a éclaté. L'Institut a immédiatement ajouté à sa production la chronique des pratiques coloniales israéliennes et de la résistance populaire palestinienne dans les territoires nouvellement occupés, en mettant particulièrement l'accent sur les développements à Jérusalem-Est et dans les Lieux saints.

Deuxième phase (1971-1981) : Consolidation, publications phares

Bien que marquée par la guerre de 1973, la guerre civile au Liban et le traité de paix israélo-égyptien, cette période a vu la consolidation de l'IPS. L'Institut entreprend pour la première fois dans le monde arabe la traduction de documents en hébreu (congrès sionistes, travaux de la Knesset, sélections hebdomadaires de la presse israélienne) afin de permettre une meilleure compréhension du processus décisionnel sioniste-israélien. L'IPS a également fait un bond en avant en lançant des projets de recherche analytique originaux visant à identifier les facteurs influençant les politiques des acteurs impliqués dans le conflit israélo-arabe. L'un des vecteurs de cette approche a été le lancement du Journal of Palestine Studies (JPS) à l'automne 1971, suivi par la création d'une nouvelle série axée sur les politiques ("IPS Papers"), l'organisation de séminaires internationaux et, à l'automne 1981, la publication de la Revue d'études palestiniennes (REP), un trimestriel de langue française. Pour faire face à la diversité et à la richesse de ses programmes, la direction de l'IPS a créé un comité de recherche et quatre départements de recherche : affaires internationales, affaires arabes et palestiniennes, études israéliennes, affaires militaires. Grâce à de généreuses donations, l'IPS a acquis en 1976 un immeuble de huit étages à Beyrouth, où se trouvent ses bureaux jusqu’à présent.

Troisième phase (1982-1989) : L'Institut menacé, un défi à relever

Cette étape a été déclenchée par l'invasion israélienne du Liban et ses conséquences, à savoir des conditions de sécurité extrêmement précaires, des développements politiques fort complexes au Liban et le départ de nombreux chercheurs de l'IPS du Liban. Cette situation a menacé l'existence même de l'IPS et a conduit à une présence réduite à Beyrouth. Cependant, la direction de l'IPS a réagi rapidement et a transféré la publication de la REP à Paris et celle du JPS à Washington où, un an plus tard, elle a acquis un bâtiment acheté en son nom par un membre du conseil d'administration. Elle a également ouvert un bureau logistique à Nicosie pour imprimer les manuscrits arabes préparés à Beyrouth. Si l'IPS a dû mettre fin à la publication de certaines de ses collections (comme l'annuaire et la série de documents annuels), le bureau de Beyrouth a continué à couvrir l'actualité et à traduire de l'hébreu des ouvrages historiques majeurs. Quant aux bureaux de Paris et de Washington, ils ont entrepris la publication d’ouvrages, respectivement en français et en anglais, en plus de l'édition de la REP et du JPS. Afin de planifier et d'assurer la cohérence et l'unité de direction, un comité de recherche reconstitué se réunissait régulièrement à Londres.

Quatrième phase (1990-2003) : Nouvelles publications, lien Jérusalem/Ramallah

En hiver 1990, l'Institut a lancé un trimestriel en arabe, Majallat al-Dirasat al-Filastiniyya, pour servir, entre autres, de forum de discussion entre intellectuels palestiniens et arabes. Le trimestriel a paru à un moment crucial, car une vague de d’événements militaires et politiques majeurs a balayé la région peu de temps après : L'invasion du Koweït par l'Irak, la guerre du Golfe de 1991 et le début du processus de paix engagé à Madrid et Washington. L'IPS a ensuite commencé à couvrir les principaux enjeux des négociations israélo-arabes et, après la création de l'Autorité palestinienne, il s'est concentré beaucoup plus qu'auparavant sur la société, l'économie et la politique palestiniennes. Poursuivant sa démarche consistant à tirer parti de tout développement nouveau dans son environnement, il a ouvert en 1994 un bureau à Jérusalem, sous le nom d'Institut d'études de Jérusalem, qui a servi de lien trop longtemps attendu entre les Palestiniens de Cisjordanie, de la bande de Gaza et d'Israël, d'une part, et la diaspora palestinienne et le monde arabe, d'autre part. En outre, au printemps 1998, le bureau de Jérusalem a inauguré le premier numéro d'une deuxième revue en langue anglaise, Jerusalem Quarterly. Cependant, le resserrement du bouclage de Jérusalem par Israël a contraint IPS à transférer le bureau à Ramallah à la fin de cette période.

Cinquième phase (2004-2016) : Défis financiers, nouvelles orientations en ligne et en Palestine occupée

Cette période est marquée par deux phénomènes contradictoires. Il fallait faire face à une baisse constante des dons, ce qui contrastait fortement avec l'enthousiasme des donateurs arabes vis-à-vis de la question palestinienne au cours des périodes précédentes. L'IPS a relevé le défi, multiplié les efforts de collecte de fonds, adopté plusieurs mesures de protection mais a malheureusement dû suspendre la publication de la REP en 2008. En 2013, le bureau de Washington a été enregistré en tant que société américaine ayant le statut d'organisme d’utilité publique exonéré d'impôt. Dans le même temps, l'IPS a vigoureusement développé ses activités de recherche, a accordé une attention particulière à la dynamique sociale et politique israélienne, a lancé en 2006 un sommaire quotidien en ligne de la presse israélienne et a assuré une présence consistante en ligne, y compris dans les réseaux sociaux. Le bureau de Ramallah, en particulier, a joué un rôle essentiel en enrichissant les archives et en organisant des séminaires et des conférences axés sur l'agenda national palestinien.

Sixième phase (2017-) : Continuité et créativité

En 2017, l'IPS est entré dans une nouvelle phase marquée à la fois par la continuité et la créativité. En cela, il revient à la vision originelle de son fondateur, Walid Khalidi, en construisant une institution stable et en perpétuelle croissance, faisant face aux nouvelles dynamiques de l'environnement politique international et régional et aux progrès des technologies de la communication.