Editorial
Abstract: 

«Pour des raisons qui relèvent d’une part des difficultés financières que connaît l’Institut des études palestiniennes, d’autre part de la baisse régulière, depuis quelques années, des ventes en librairie, et qui n’a pu être compensée malgré nos efforts par une augmentation du nombre des abonnés, nous nous trouvons dans l’obligation d’interrompre la parution de la Revue d’études palestiniennes.»

Full text: 

« 1948, la conquête de la Palestine », tel est le thème de ce numéro 108. Pour commémorer le soixantième anniversaire de la Nakba (catastrophe en langue arabe), ce numéro revient sur « l’offensive militaire sioniste qui a précédé la proclamation de l’Etat d’Israël, le 15 mai 1948 et la guerre israélo arabe qui s’en est suivie » à travers quatre articles.

Le premier, rédigé par Walid Khalidi intitulé « La chute de Haïfa revisitée » est le bienvenu, d’autant plus qu’il était introuvable[1]. Publié en 1959, Walid Khalidi y avait démontré que l’exode de la population de Haïfa – 50 000 habitants - « était la conséquence de l’offensive menée par la Haganah les 21 et 22 avril 1948 » et non un départ volontaire, répondant à une stratégie arabe, comme le prétendait la propagande israélienne. En 1961, la thèse de Walid Khalidi est attestée par la découverte de nouvelles archives qui révèlent l’existence du plan Dalet, à l’origine des opérations ayant abouti à la conquête des principales villes palestiniennes. Depuis, l’historiographie de la région, enrichie par les recherches d’une nouvelle génération d’historiens israéliens tels Benny Morris, Ilan Halevy, Ilan Pappe, a apporté de nouveaux éclairages… d’où la rédaction d’une importante introduction critique - assorti d’un appareil de notes - qui est venue enrichir les analyses présentées en 1959. La lecture de cet article fort bien documenté montre aussi comment la collusion des autorités civiles et militaires britanniques a permis aux forces sionistes d’occuper les points stratégiques de la ville de Haïfa, ce qui leur a permis de s’assurer une position de domination des quartiers arabes, situés en contrebas.

Le second article est un extrait de la chute de Lydda dont Spiro Munayyer fut un témoin[2]. Il est précédé d’une introduction de Walid Khalidi qui revient sur le contexte de la prise de Lydda. Ce témoignage est celui d’un Palestinien ordinaire qui a participé, aux côtés d’une centaine d’autres civils, à la résistance de sa ville assaillie par une armée de 8000 soldats. L’auteur rapporte le drame et l’ampleur de l’exode des habitants de Haïfa et des villages environnants, venus s’entasser dans la ville de Lydda qui fut confrontée au problème du ravitaillement et de l’hygiène ; comment le Comité national a interdit à la population de partir, histoire d’encourager la défense. Lydda comme Ramallah étaient situés dans la zone attribuée aux Arabes par la résolution de partage des Nations Unies et de ce fait auraient dû échapper à l’occupation. Mais du 10 au 14 juillet, l’offensive éclair lancée par l’armée israélienne eut raison du courage de la poignée des défenseurs de la ville. La quasi-totalité des 50 000 habitants (femmes, enfants et vieillards) de Lydda fut expulsée manu militari, à l’exception d’un millier qui sera autorisé à rester, parmi eux, l’auteur de ce témoignage et sa famille.

Dans « La fin de la Tibériade arabe », Moustafa Abbasi éclaire autrement la rapidité de l’occupation israélienne, en abordant « la structure sociale rigide de la communauté arabe ». La ville, forte de ses activités commerciales, jouissait d’une prospérité et d’une entente exceptionnelle entre communautés arabe et juive. Elle était dominée par le clan des Tabari qui « défendait une ligne politique indépendante et modérée » et se tenait à distance du Haut Comité arabe et de Hadj Amin El Husseini. Ce contrôle absolu de la vie politique par les Tabari explique en grande partie la faiblesse de l’organisation de la résistance à Tibériade. Les Tabari étaient persuadés de préserver leur ville « du cercle de la violence et de la guerre » et « ont tout fait pour éviter l’intervention des forces arabes de l’extérieur ». L’attitude conciliante des dirigeants de Tibériade et le jeu trouble des Britanniques ont fini par précipiter l’occupation de la ville, le 18 avril 1948. Du jour au lendemain, ses 5000 habitants furent contraints à prendre le chemin de l’exil.

Ce ne sont là que quelques exemples de la « catastrophe programmée », thème abordé par Sandrine Mansour-Merien qui a exploité les archives de la Commission de conciliation aux Nations Unies pour la Palestine, de 1948 à 1966. On peut suivre la mise en place de plans d’occupation et de transferts forcés des populations palestiniennes, dès l’adoption du plan de partage, le 29 novembre 1947, par l’Assemblée des Nations Unies. La principale qualité de ces sources est de mettre fin à la théorie « d’une terre sans peuple » brandie par la propagande israélienne. Comment expliquer le silence de la communauté internationale devant de telles preuves ?

Ce dernier numéro de la Revue d’Etudes palestiniennes comprend d’autres contributions toutes aussi intéressantes les unes que les autres, telles « La Nakba dans la littérature arabe » de Khadim Jihad Hassan ou « Pour une autre représentation des Palestiniens » de Beshara Doumani. On lira avec profit les réflexions d’Ilan Halevi et Juan Goytisolo. Tous ces textes dénoncent l’injustice faite aux Palestiniens, l’illégalité de l’occupation d’Israël. Combien de temps les Palestiniens devront-ils attendre et combien de sacrifices devront-ils endurer pour avoir le droit de vivre chez eux, en paix ?

C’est aussi le dernier numéro de cette revue publiée en 1981 par l’Institut des études palestiniennes. Les difficultés financières dues à une chute des ventes sont à l’origine de cette triste nouvelle. Les lecteurs de cette revue qui s’est imposée comme référence scientifique pour la question palestinienne saluent les efforts de toute l’équipe et leur expriment leur plus vif soutien.

 

[1] Cet article a paru pour la première fois, en décembre 1959 dans la revue Middle East Forum.

[2] Spiro Munayyer a publié son témoignage sous le titre de Lydda during the Mandate and Occupation Periods, Beyrouth, Institut des études palestiniennes, 1997.