"Cette table ronde s'est tenue à l'hôtel Syrta, dans la wilaya de Constantine, située dans l'est algérien. C’est un hôtel ancien situé au centre de la ville d'Abdel Hamid Ben Badiss, réformateur religieux et grande figure nationale. La table ronde, qui a réuni un certain nombre d'écrivains originaires de Constantine, ainsi que des poètes et des professeurs d’université, a abordé des thèmes d’une brûlante actualité et d’autres qui avaient été passés sous silence jusque-là. Tous les participants ont cependant traité de l'arabisation. Question culturelle par excellence, elle suscite le plus de polémiques en Algérie, notamment après la publication de la loi sur l'arabisation qui tranche le nœud gordien du bilinguisme, mettant ainsi un terme à l'un des aspects du conflit entre partisans de la francophonie et partisans de l'arabisation, et entre arabistes et berbéristes. La question a été abordée à la lumière de l'instruction publiée par le gouvernement algérien stipulant l'arabisation totale, connue sous le nom de Loi sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe selon les termes mêmes du chef du gouvernement s'adressant aux membres du Parlement. Une échéance avait même été fixée pour l'entrée en vigueur de la loi, le 5 juillet 1998 au plus tard, date symbolique s'il en est puisqu'elle coïncide avec l'anniversaire de la libération. D'où, bien évidemment, la réaction violente du lobby des « francisés » allant parfois jusqu'à annoncer le déclenchement à terme d’une véritable guerre et accusant l’Etat de recourir à l'arabisation dans le but d'ouvrir un front de « diversion ». C'est dans ce climat de violence et de polémique, soit quatre jours seulement avant l'entrée en application de la loi, que l'un des plus célèbres chanteurs kabyles, Maatoub Louness, a été assassiné.<br>Il est utile de rappeler que certains universitaires, artistes et intellectuels considèrent que l'arabisation, conçue et appliquée dans des formes archaïques, a été un échec retentissant. Selon eux, les institutions et les universités arabes ont formé une armée de chômeurs qui n’ont pas trouvé leur place dans l'administration algérienne, où les francophones prédominent de manière écrasante. Le paradoxe aujourd'hui est que trente-six ans après la libération de l'Algérie, c'est la langue du colonisateur qui jouit toujours d'un crédit et d'une considération considérables au sein de l'Etat indépendant et que, bien plus qu'auparavant, elle fait autorité aux yeux de la population."